Arquivo Pessoa - Obra Édita

Tu ne dors pas sous les cyprès

_ car il n'est de sommeil en ce monde...

_ Le corps est l'ombre des vêtements

_ qui dissimulent ton être profond.

Vient cette nuit qu'est la mort,

_ et l'ombre s'achève sans avoir été.

_ Tu vas dans la nuit, simple silhouette,

_ Égal à toi contre ton gré.

Mais à l'Hôtellerie de l'Épouvante

_ les Anges t'arrachent ton manteau.

_ Tu poursuis sans manteau sur l'épaule

_ avec le peu qui te protège.

Lors les Archanges du Chemin

_ te dépouillent et te laissent nu.

_ Tu n'as plus ni vêtements ni rien :

_ tu n'as que ton corps, qui est toi.

Enfin, dans la profonde caverne,

_ les Dieux te dépouillent plus avant.

_ Cesse ton corps, âme externe,

_ Mais en eux tu vois tes égaux.


Le Sort n'a laissé parmi nous

_ que l'ombre de tes vêtements.

_ Tu n'es pas mort sous les cyprès.

_ Néophyte, il n'est point de mort.